La Ferme du Rocher : une autre conception de l’agriculture

Caroline et Christophe sont presque jumeaux, un an les sépare et ils s’entendent comme larrons en foire. Issus d’une famille d’agriculteurs, c’est en connaissance de cause qu’ils ont décidé de reprendre la ferme familiale, au départ en retraite de leurs parents. Banal me direz-vous ? Et bien pas tout à fait. En plus d’une belle complicité qui leur permet de mener des projets communs, ils ont tous les deux de fortes convictions… et l’agriculture pour eux, c’est tout sauf le modèle traditionnel. Ils se reconnaissent en tant que « paysans ou éleveurs» et pas forcément en tant qu’agriculteurs et encore moins « exploitants » agricoles. Leur souhait a été de donner vie à une ferme à taille humaine, dans le respect de l’environnement, des animaux et des consommateurs. Leur ferme extensive est un projet de vie, ce n’est pas uniquement un travail. Le choix de la vente directe en est le corollaire, pour maîtriser la chaîne de production de A à Z et avoir le plaisir d’être en contact avec les consommateurs.

Avant de reprendre la ferme familiale, ils ont tous les deux travaillé à l’extérieur : Christophe en tant que charpentier et Caroline comme comptable. Satisfaits ni l’un ni l’autre de leur situation de salariés, ils aspiraient à travailler à leur compte, en toute autonomie, dans un cadre de vie qui leur correspondrait. Ils cherchèrent donc une idée d’activité, en lien avec le parcellaire laissé par leurs parents. C’est comme cela qu’est née l’idée de l’élevage ovin, pas si courant en Bretagne.

C’est d’abord Christophe qui se lance, dès 2012, avec Caroline qui n’est jamais très loin. Son Brevet Professionnel de Responsable d’Exploitation Agricole en poche, il investit dans l’achat de 50 brebis et aménage l’exploitation. Trois ans plus tard, sa sœur déjà titulaire d’un BTS Analyse et conduite des système exploitation, le rejoint officiellement. Elle décide cependant de se former aux spécificités de l’élevage ovin avec un Certificat de Spécialisation Ovin qu’elle fera dans le Limousin. Tout va alors très vite, ils augmentent peu à peu le cheptel et surtout se dispensent des circuits longs très rapidement. Depuis 4 ans, ils vendent 100 % de leur production soit directement à la ferme, soit dans l’un des trois magasins de producteurs (à St Jacques, la Mezière et à Taden) avec lesquels ils travaillent. Et bien sûr depuis quelques mois via le marché ambulant de BVBR. Ce n’est pas du tout un choix anodin car la contrainte est qu’il faut être en capacité de vendre sa production tout au long de l’année, ce qui implique de multiplier les périodes de mises bas. Ils fonctionnent actuellement avec un cheptel de 650 brebis à deux. A titre de comparaison, en cas de modèle traditionnel, la Chambre d’Agriculture préconise un cheptel de 500 brebis.

Depuis un an Caroline et Christophe ont fait le choix de diversifier leur production en intégrant des vaches de race Aubrac élevées exclusivement à l’herbe pour une production de veaux sous la mère alimentés sans complémentation, uniquement d’herbe et du lait maternel. Des cochons de Bayeux sont achetés au sevrage dans une ferme bio du secteur. Ils sont élevés en plein air et nourris avec des céréales et protéagineux produits à la ferme, ce qui leur permet d’élargir la gamme des viandes de qualités proposés aux clients. Tous les ovins sont nourris à base d’herbe. Les brebis reçoivent une complémentation, uniquement pendant les 6 premières semaines de lactation et seulement quand celle-ci a lieu l’hiver en bergerie, avec une alimentation à base de fourrage récolté (herbe). Les agneaux sont complémentés en finition. Ils tendent à l’autonomie alimentaire, l’orge (50 à 75% de la complémentation) est déjà produite dans l’exploitation et les protéines nécessaires le sont de plus en plus sous la forme de protéagineux (pois, féverole) ou oléagineux (colza transformés en tourteaux à la ferme). Toutes l’alimentation des animaux est bien sur sans OGM.

Caroline qui découpe les agneaux depuis quelques années dans le labo de la ferme, prépare de plus en plus de merguez, de chipo et steak haché vendus en sachet séparément des colis. Cette offre rencontre un énorme succès. Elle est intarissable sur leur modèle économique, qui selon elle garantit une totale transparence de la production dans le plus grand respect du travail fourni, payé à sa juste valeur. Ils sont tous les deux fiers de donner vie à leurs idées, avec une éthique qu’ils portent et partagent avec leurs clients. Ils ne comptent pas leurs heures de travail mais ont le bonheur de vivre dans un cadre préservé, qu’ils entretiennent avec amour. Pour Caroline, profiter au jour le jour d’un tel environnement, le partager avec ses enfants, est aussi le fruit de leur labeur. Car quand elle dit qu’elle est avant tout une paysanne, c’est justement pour faire le lien avec le paysage, qu’elle entretient et qui la nourrit.

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