Eau potable: alerte sur la ressource

En Bretagne Romantique, comme ailleurs, on ouvre le robinet, l’eau coule, comme par magie ! C’est un peu comme si elle avait toujours été là. Pourtant ce simple geste qui apporte à nos vies quotidiennes un confort incroyable à une histoire.
On en oublierait presque qu’hier encore, bénéficier de l’eau dans son logement, n’allait pas de soi : après l’avoir puisée, il fallait la transporter jusque chez soi, sans être certain qu’elle soit toujours propre à la consommation et sans système pour l’évacuer une fois usagée.

Ce n’est qu’au XIXème siècle que l’on installe les premiers robinets d’eau potable dans les habitations et il faut attendre la fin des années 1980 pour que même les plus reculées d’entre elles soient raccordées à un réseau qui leur permette de recevoir l’eau potable sans restriction et de manière permanente (99% en France).

Ainsi, depuis moins d’un demi siècle, l’eau coule en abondance et sans restriction de nos robinets sans que l’on réalise le miracles de ce qu’il faut bien appeler un progrès inouïe en terme de confort et d’hygiène. Il aura fallu la sècheresse de cette année pour signer la fin de partie de cette ère d’abondance insouciante pour entrer dans celle de la ressource rare et précieuse.

D’ailleurs à l’heure ou nous publions ces lignes en ce début Octobre, les Côtes d’Armor tirent la sonnette d’alarme sur les risques de rupture de distribution d’eau potable dans les 30 jours, tandis que L’Ille et Vilaine souligne un risque de rupture dans le courant de l’hiver. Or notre territoire de Bretagne Romantique dépend des deux départements dans des proportions non négligeables pour couvrir la consommation de ses habitants.

Mais faisons ensemble un petit tour des grandes étapes passionnantes qui ont mené à la domestication de l’eau potable des origines jusqu’à nos jours  :

Des premiers puits aux majestueux aqueducs

Babylone

L’eau c’est la vie et la quête d’eau consommable est une question vitale depuis la nuit des temps. Dans leur sédentarisation, toutes les grandes civilisations se sont installées dans les vallées des grands fleuves. C’est en Mésopotamie (étymologiquement, pays entre les deux fleuves) vers – 6000 ans avant J.C., que l’on trouve trace des premiers puits.

Il faut cependant attendre l’Antiquité pour que l’eau commence à être apprivoisée  : ainsi, les premiers barrages apparaissent en Egypte de même que des systèmes ingénieux d’irrigation.

Au VIe siècle av. J.C., le roi de Perse Nabuchodonosor II entreprend la construction des jardins suspendus de Babylone. L’eau qui permettait l’irrigation était ramenée de l’Euphrate, et remontait jusqu’aux étages à l’aide d’un savant montage hydraulique.

En 700 av. J.C., le roi assyrien Sennacherib se fait construire à Ninive un palais alimenté par de l’eau de montagne acheminée par un canal de plus de cent kilomètres en pierres étanchéifiées avec du goudron.

Les Crétois mettent au point les premiers ouvrages d’adduction d’eau avec des tuyaux en terre cuite qui amène l’eau dans les maisons  : ils sont ainsi les premiers à la stocker et à la transporter en fonction des besoins. Le palais de Cnossos, par exemple, bénéficie de l’eau courante et il est équipé de fontaines et de salles de bain avec baignoire en terre cuite.

Vis d’Archimède

Durant la période hellénistique, les Grecs inventent le système du siphon inversé qui permet aux adductions de franchir les vallées  ; on attribue à Archimède (287 – 212 av. J.C.) l’invention de la vis comme élément de relevage de l’eau.

Plus tard, les Romains ont mis au point de nombreuses techniques souterraines et aériennes pour capter les eaux et les conduire jusqu’aux villes.
En 312 av. J.-C., le premier aqueduc de l’Histoire, l’Aqua Appia conduit l’eau dans Rome au moyen de canaux maçonnés. Les Romains construisent également un réseau d’aqueducs pour approvisionner les différentes régions et provinces. A la fin de l’Empire, on en recense onze, gérés par une administration très importante. Les plus connus sont le pont du Gard situé dans le Sud de la France et l’aqueduc de Ségovie en Espagne. L’eau était ensuite acheminée au cœur des villes par des conduits en plomb. Les Romains exploitent et améliorent sans cesse les inventions des peuples qu’ils conquièrent. Au milieu du premier siècle av. J.-C., ils adaptent ainsi la noria, sorte de roue à godets servant à élever l’eau, dont le premier exemple connu fonctionnait chez Mithridate, roi du Pont, l’actuel Bosphore.

Enfin, l’eau était également au centre de la vie sociale romaine  : fontaines publiques, bains et thermes somptueux.

Majestueux Pont du Gard

Le temps des porteurs d’eau et des fontaines publiques

Plus tard, nul château fort, nul monastère, ne s’installait loin d’un point d’eau. Des travaux sont entrepris pour détourner les sources ou réaliser des aqueducs. Les moines cisterciens s’illustrent particulièrement dans la maîtrise des techniques hydrauliques.

Dans les campagnes, village et ferme se construisent toujours au bord d’un point d’eau.

chercher l’eau dans la rivière

Les villes attirent une population toujours plus importante, l’alimentation en eau se dégrade tant au plan de la qualité que de la quantité  : les principes d’hygiène en viennent alors à être négligés. L’essor urbain de la seconde partie du Moyen-Âge engendre des nouvelles difficultés d’approvisionnement. Les habitants doivent chercher l’eau à l’extérieur des villes ou une eau peu propre à l’alimentation humaine, cause de nombreuses épidémies.

En France, jusqu’au 18ème siècle, l’eau abondante «  à domicile  » reste le privilège des palais, des couvents, des abbayes et des hôpitaux. Pour la majorité de la population, il y a soit la fontaine publique, soit l’eau directement puisée aux fleuves, aux rivières et aux puits.

On assiste également à des conflits d’usage  : dans les villes, bien avant les particuliers, ce sont les activités artisanales qui commandent l’utilisation de l’eau. Les teintureries et les mégisseries s’installent au bord des cours d’eaux, qu’elles souillent, afin d’effectuer toutes les opérations nécessaires à leur pratique. Parallèlement, les sources locales deviennent insuffisantes. L’absence de réseaux d’égouts ne fait que renforcer ce cercle vicieux. L’eau est souillée par les infiltrations dues aux ordures ménagères et les excréments animaux qui jonchent les rues. Les maladies se multiplient.

Les plus fortunés recourent aux services des porteurs d’eau et au XVIIIème siècle, dans les grandes villes comme Paris, on en compte jusqu’à 2 000, qui forment une corporation puissante et indispensable comme le révèle ce texte de Joseph Mainzer, musicien allemand de l’époque lors d’un séjour en France  :

Les derniers porteurs d’eau

«  Le porteur d’eau vient cent fois par jour à la fontaine publique où il a établi son quartier général, et part de là en décrivant tous les rayons possibles, pour aller ravitailler avec une scrupuleuse exactitude les fontaines privées du sixième étage comme celles du premier ; dans l’hôtel somptueux du pair de France aussi bien que dans l’humble mansarde du pauvre ouvrier. Il sait le matin combien de fois dans la journée ses seaux devront être remplis et vidés, combien il aura d’étages, de marches à monter et à descendre, et il combine ses heures, ses voyages, de manière à ce que toutes ses pratiques soient satisfaites. Vous ne seriez pas capable de dire aussi exactement que lui à quel moment il vous faudra de l’eau et de quelle quantité vous aurez besoin : c’est un détail dont il est tout à fait inutile que vous vous occupiez, et dont il fait son affaire avec une intelligence vraiment remarquable. Il connaît vos jours, et vient de lui-même sans qu’il soit nécessaire que vous l’appeliez : il va tout droit à votre cuisine, y entre comme dans son domaine, place et déplace à sa guise le meuble dont il s’est adjugé la surveillance spéciale, et sur lequel il n’a aucun compte à vous rendre tant qu’il ne désemplit pas.”

En 1778, la Compagnie des Eaux de Paris est fondée. Elle ambitionne d’apporter l’eau à chaque habitation via des branchements sur l’eau de Seine. Face à l’ampleur de la tâche et l’absence de capitaux, elle fera faillite  : les porteurs d’eau, souvent Auvergnats, continuent donc à servir les mieux lotis des parisiens et les lavoirs rassemblent toujours les lavandières.

Quelques années plus tard, Napoléon Bonaparte creuse le canal de l’Ourcq et installe des fontaines dans toutes les cours d’habitation de la capitale.

L’eau potable pour tous

Des chantiers pharaoniques apportent l’eau potable partout dans les villes de France

L’exode rural, l’urbanisation et l’industrialisation nécessitent d’apporter d’urgence l’eau potable à domicile dans les grandes villes pour lutter contre les maladies, pour améliorer le confort ou encore pour libérer du temps. C’est le début de grands travaux  : à Lyon, à Nantes, à Bordeaux, à Paris, l’eau potable se démocratise et des infrastructures dédiées à la distribution de l’eau potable se développent à grande échelle en France au début de l’ère industrielle. Le 14 décembre 1853, l’empereur signe le décret officialisant la naissance de la Compagnie Générale des Eaux, puis la Lyonnaise des Eaux est créée en 1880. La SAUR a été créée plus récemment en 1933.. Ces sociétés entament les travaux pharaoniques qui permettront à chaque habitation de France d’être raccordée à l’eau potable

toilette à la carafe au début du XXème 

Les communes rurales ne commencent à s’équiper de réseaux de distribution que dans les années 1930, grâce aux subventions qui leur sont allouées par l’État. En 1939, la quasi-totalité des citadins disposent d’eau courante. En 1945, après la guerre, il reste 70% des communes rurales qui ne sont toujours pas raccordées à l’eau potable. Les difficultés d’ordre technico-économique rencontrées par les villes et les campagnes pour créer des services d’eau ne sont pas du même ordre : en ville, c’est l’offre

toilette à la carafe début du XXème

d’eau qui pose problème alors qu’à la campagne c’est la faiblesse de la demande qui retarde la création de services d’eau. En Bretagne les zones rurales connaissent une accélération du raccordement entre les années 1960 et 70. Il faut attendre la fin des années 1980 pour voir la quasi-totalité des Français bénéficier de l’eau courante à domicile.

L’assainissement se développe lui aussi progressivement  : les stations d’épuration fleurissent et reflètent les premières prises de conscience environnementale dès le début des années 1960.

A partir de la fin du 20ème siècle, le réchauffement climatique conduisant de plus en plus fréquemment à des périodes de sécheresse, l’eau est considérée comme une ressource à préserver, mais pas encore en danger.

Il a fallu cet été 2022 de sècheresse pour que cette abondance dont chacun profite comme une évidence soit de nouveau interrogée, et la Bretagne Romantique n’y fait pas exception. Il y a encore à peine un an, la perspective que le robinet puisse ne plus couler dans nos maisons ne faisait pas partie de nos réalités et celui qui se risquait à évoquer le sujet aurait subi quelques railleries en provoquant des haussements d’épaule.

D’où vient l’eau qui sert à produire l’eau potable ?

Au cours du XXème siècle, le caractère de service de proximité de la distribution d’électricité ou de gaz s’est effacé au nom d’une logique nationale économique et politique, provoquant un transfert de responsabilité des communes vers l’État, puis vers le privé. Ce n’est pas le cas pour l’eau où la dimension locale et collective de la gestion et de la distribution de l’eau à domicile n’a encore jamais été contestée en France. Techniquement, le service de l’eau opère toujours à une échelle locale et même si sa gestion est la plupart du temps déléguée à des sociétés privées, la fourniture d’eau potable au robinet reste encore un monopole et une compétence territoriale,
Plusieurs réserves d’eau naturelles peuvent servir à alimenter les unités de production d’eau potable.

Les eaux souterraines
En France, 68% de l’eau potable est puisée dans les nappes souterraines. Elles sont contenues dans les aquifères se trouvant sous la surface du sol, dans les pores et les fissures des roches et dans les sédiments sous la terre.

Les eaux souterraines sont naturellement alimentées par les eaux de surfaces provenant des eaux de pluie, de la neige, des cours d’eau et des infiltrations issues des rivières.
En cela, elles constituent un réservoir naturel à long terme puisqu’elles s’autoalimentent en permanence.
L’eau souterraine est naturellement chargée en sels minéraux mais sa composition chimique varie suivant la nature géologique des terrains  :
Les terrains sablonneux ou granitiques fournissent une eau faiblement minéralisée et acide.
Les terrains calcaires fournissent des eaux riches en sels calciques entartrâtes, fortement minéralisées.

Selon le type de nappes, les eaux souterraines sont plus ou moins sensibles à la pollution  :
Les nappes alluviales sont les plus sensibles puisqu’elles proviennent directement des eaux de rivières et dépendent ainsi de la qualité de celles-ci.
Les nappes libres, alimentées par l’infiltration des eaux de surface sont plus sensibles que les nappes captives, qui, elles, sont séparées par une couche imperméable les protégeant davantage des polluants.

Par ailleurs, suivant le terrain d’origine, les eaux souterraines peuvent contenir des composés chimiques dans des proportions qui dépassent les normes de l’eau potable (fer, manganèse, hydrogène sulfuré, fluor, arsenic…). Dans ce cas, ces eaux doivent être traitées pour en autoriser la distribution.

Le cycle de l’eau potable

Les eaux de surface

En France, seulement 32% de l’eau potable est puisée dans une eau de surface. Également appelées «  eaux superficielles », les eaux de surface regroupent toutes les eaux courantes (eaux de ruissellement, glaciers, torrents, fleuves, rivières) ou stagnantes (lacs, eaux de barrage, mer…), qui sont en contact direct avec l’atmosphère. Elles peuvent être douces, saumâtres ou salées.

La composition des eaux de surface varie en fonction des échanges permanents entre l’eau et l’atmosphère et en fonction de la nature des terrains traversés.

Ces eaux sont rarement potables en l’état puisqu’elles se chargent de polluants essentiellement bactériologiques provenant de la consommation urbaine (rejets de station d’épuration), des activités industrielles (solvants, métaux lourds, hydrocarbures, perturbateurs endocriniens…) et agricoles (pesticides, herbicides, nitrates…).

Zoom sur la Bretagne et la Bretagne Romantique

La Bretagne a cette particularité, à l’inverse du territoire national, d’avoir une alimentation en eau potable assurée à 25% seulement par les eaux souterraines, et 75% issu des eaux superficielles (cours d’eau et retenues). Il faut noter que ce pourcentage varie selon les départements bretons, en fonction de la nature géologique des terrains et de leur productivité.

Mais si on zoome sur le territoire de la Bretagne Romantique, celui-ci se distingue des statistiques nationales et régionales car la production d’eau potable est à 100% basée sur des forages, au nombre d’une dizaine, répartis sur son territoire  : le captage de la Gentière à Combourg (1 forage), celui de Linquéniac à Longaulnay (2 forages), celui de la Ferrière à Plesder (3 forages), celui de Meillac (1 forage) et celui de «  la Masse-Herbage  » à Dingé (3 forages).

En revanche, nos voisins ont un profil conforme à la tendance régionale  ; Rennes Métropole, l’agglomération de Dinan, celle de Saint Malo, tirent la grande majorité de leur production d’eau potable des eaux de surface. Ainsi l’Arguenon, le Frémur, le Guinefort, l’étang de Néal, l’étang de Mireloup-Beaufort, les étangs de Ste Suzanne et de Landal avec leurs équipements de barrages, sont les principales réserves des différentes collectivités qui bordent la Bretagne Romantique. Au Nord et jusqu’à l’Est autour du bassin versant du Couesnon, les collectivités s’approvisionnent en mixité entre eaux de surface et forage.

Un contexte tendu

Comme on l’a vu précédemment, s’il y a bien un sujet pour lequel on peut se réjouir en France, c’est que l’eau est restée et reste majoritairement une affaire de ressource locale et publique difficilement délocalisable. C’est donc territoire par territoire, collectivité par collectivité, que la gestion de l’eau potable est examinée, gérée et anticipée. Si au temps de l’abondance, l’absence d’anticipation n’avait pas forcément de conséquence grave, il n’en est pas de même lorsque la rareté s’invite et que la pénurie menace.

Jusque fin 2019 avant sa dissolution, le SPIR (Syndicat Mixte de Production d’eau Potable d’Ille et Rance) regroupait une cinquantaine de communes, dont 25 de la Bretagne Romantique, et concernait environ 60 000 habitants. D’après les chiffres publiés dans leur dernier rapport (publié en juin 2020, sur l’exercice 2019), les forages ont produit 1  386  660  m3 d’eau potable et il a fallu en importer 1  880  385  m3 des territoires voisins pour couvrir la consommation totale de 3  249  510  m3. Des chiffres globalement en phase avec ceux de 2017 et 2018. Le rapport précise que les rendements des forages en activité sont proches de 100%, ce qui laisse peu de marges de manœuvres pour augmenter la production en l’état sur le territoire.

Ces chiffres témoignent d’une dépendance aux ressources des territoires voisins supérieure à 50% au regard de notre consommation. On peut toutefois noter une amélioration par rapport aux chiffres mentionnés dans le Schéma de Cohérence Territorial de Saint Malo qui se base sur les données de 2012. De fait, en 2012, les forages de Plesder n’existaient pas encore et s’ils produisent près de 221  000  m3 d’eau potable supplémentaire par an depuis leur mise en service, ce volume ne compense pas la hausse de consommation, intervenue dans cet intervalle, de près de 400  000  m3/an.

Depuis ce dernier rapport, la situation a changé. La loi NOTRE a rendu obligatoire les compétences en eau potable et assainissement pour les communautés de communes. Début 2020, la Communauté de Communes de Bretagne Romantique a repris en propre la gestion de l’eau potable sur son territoire. Le SPIR a été dissous en répartissant ces différents actifs et points de captage en cohérence avec la nouvelle carte de compétences ; ce sont donc les 10 forages cités ci-dessus qui représentent aujourd’hui la capacité de production d’eau potable pour les 35 000 habitants que comptent notre collectivité. Les autres communes jusqu’alors desservies par le SPIR ont rejoint leurs agglomérations respectives, qui ont elles aussi récupéré la compétence de l’eau.

Pour autant, la situation de dépendance n’a pas beaucoup changé  : d’après le magazine communautaire du mois d’août dernier, les dix captages ont produit 1  043  000  m3 d’eau, quand 1  847  000  m3 sont nécessaires pour répondre aux besoins annuels des habitants et des activités économiques.

On peut donc dire qu’en situation climatique «  normale  », le territoire des 25 communes de la Bretagne Romantique a cette particularité d’être chaque année structurellement très fortement dépendant (entre 45 et 50%) de la ressource de ses voisins  : Rennes Métropole et l’agglomération de Dinan étant les principaux fournisseurs.

Schéma alimentation eau en Bretagne Romantique en 2019

Pour l’instant, ces territoires voisins comme Rennes Métropole, l’agglomération de St Malo, et celle de Dinan, en situation climatique «  normale  », ont des volumes d’import inférieur à 10%, voire proches de l’autonomie pour les collectivités à l’est, autour du Couesnon.

Pour être tout à fait juste, les pourcentages traduisent néanmoins mal les quantités d’eau dont on parle  : sur Saint Malo par exemple, ces 10% d’eau représentent quand même 1 million de m3 d’eau qu’il faut importer des Côtes d’Armor, du côté de l’Arguenon et de Penthièvre sur les 8 millions consommés annuellement  ; notamment pour faire face à la très grosse pression touristique estivale. On le voit, au-delà des pourcentages, il est primordial, lorsqu’on parle d’eau, de bien maîtriser la quantité d’eau potable disponible sur les territoires: En Bretagne Romantique, on parle de besoin en eau potable pour 35 000 habitants dans un environnement majoritairement rural, quand, à l’échelle de Rennes Métropole par exemple, il s’agit de satisfaire les besoins de plus de 460 000 habitants et de l’ensemble des activités que ce territoire accueille soit près de 25 millions de m3 d’eau potable par an.
Ainsi, si la Bretagne Romantique a un déficit annuel chronique d’eau potable situé entre 40 et 50% de sa consommation, sa consommation annuelle ne représente que 7,2% de la consommation totale de Rennes Métropole.

Pour autant, la situation reste tendue en Bretagne Romantique au niveau de l’eau potable. Et si l’on en croit les projections mentionnées dans le Scot du Pays de Saint Malo toujours (Schéma de Cohérence Territorial), c’est sur notre territoire que la projection des besoins jusqu’en 2030 se trouve dans la fourchette la plus haute (entre +5% et +18%) quand les territoires voisins anticipent eux une évolution de consommation comprise entre -2% et +7%.

Alerte sur la ressource

Cet été 2022, quasiment tout le territoire national s’est retrouvé en alerte sécheresse, avec des mesures très restrictives d’usage. Beaucoup de cours d’eau, de réserves de surfaces se sont retrouvés proches de l’assèchement voire asséchés comme la rivière du Meu à l’ouest du département, et n’ont toujours pas retrouvés malgré les pluies de ces dernières semaines, leur niveau de réserve rassurante. Il est plus difficile d’évaluer l’état des nappes profondes, car on ne connait pas bien leur capacité totale, mais au vu de la sécheresse de cette année, il est assez facile d’imaginer qu’elles ne se sont pas rechargées, tout comme il est facile d’imaginer qu’elles ne sont pas infinies. La Bretagne Romantique ne fait pas exception, et en plein milieu du mois d’août George Dumas, vice-président de la Communauté de Communes en charge de l’eau, rappelait en ces termes la situation :

« Le territoire de la Bretagne romantique est fortement dépendant des territoires voisins pour son alimentation en eau potable Or nous ne produisons que 55  % de notre consommation : 1 million de m3 pour une consommation de 1,8 million de m3. Malgré la communication, répétée, sur le sujet depuis le début de l’été, invitant les usagers à réduire leur consommation en eau potable, les volumes consommés en juillet sont en augmentation sur notre territoire. En juillet 2022, +  20  000  m3 par rapport à juillet 2021, soit 660  m³ par jour. Il faut inverser la tendance. Vu les conditions climatiques actuelles, en continuant sur le même rythme, une rupture de l‘approvisionnement en eau n’est pas à exclure, à l’automne, de la part des territoires voisins qui sont dans des situations identiques. »

Cela n’est pas très rassurant pour l’avenir, car la conjoncture climatique dans les années à venir n’améliorera pas la situation, bien au contraire. Il est donc à prévoir que les conditions de disponibilité de l’eau sur le territoire ne feront que se tendre. Le magazine communautaire du mois d’août évoque bien des études qui sont envisagées pour développer de nouveaux captages souterrains, mais dans le scénario le plus optimiste, ces captages ne seraient pas accessibles avant une douzaine d’années  ! Soit en supposant que les études démarrent cette année, aucun autre captage ne serait opérationnel avant 2034.

D’ici là, il y a de fortes chances que les sécheresses estivales deviennent chroniques et auront sévi un peu plus. Cette pression sur la ressource va se faire sentir aussi de manière de plus en plus fortement sur les territoires voisins. Et si chacun sait qu’il est facile d’être généreux en période d’abondance, l’expérience montre que cela devient plus compliqué lorsque la ressource devient rare, que sa pénurie fragilise notre bien-être, menace nos activités et crée des conflits d’usage.

La Bretagne Romantique initie depuis plusieurs années une politique d’aménagement du territoire ambitieuse qui vise à en harmoniser les aspects sur son territoire à travers un PLUI (Plan Local d’Urbanisme Intercommunautaire). Elle a d’ailleurs associé de manière innovante, un panel d’habitants volontaires qui ont pu contribuer à la réflexion sur différents thèmes . Le PLUI projette entre autres de permettre l’accueil d’ici 2035 de 5  500 habitants supplémentaires répartis entre les 25 communes. A raison d’une consommation annuelle moyenne située entre 40 et 60  m3 par personne (la Bretagne Romantique est plutôt proche du haut de la fourchette), cela représente un besoin supplémentaire de 220  000  m3 à 330  000  m3 d’eau par an sans parler des besoins qui seront exprimés également par le développement des activités économiques, industrielles et agricoles. Un

Perspective

Si on met bout à bout, l’ensemble de ces données, la situation a de quoi faire frémir et on voit difficilement comment éloigner le risque qu’un jour, plus rien ne coule de nos robinets  : un déficit annuel structurel de production d’environ 45% de notre consommation , la quantité d’eau supplémentaire nécessaires à la consommation des nouveaux arrivants attendus, des nappes phréatiques qui peinent à se régénérer sans que la sècheresse ne puisse faire espérer une inversion de tendance, des zones de captage déjà au maximum de leur rendement, et des ressources issues essentiellement des barrages et des eaux de surface chez nos voisins qui se contractent sous l’effet de l’assèchement des cours d’eau, des zones humides, des retenues et qui risque aussi de contracter leur générosité à notre égard. Et à ce jour, il n’existe pas vraiment de solution à court terme pour pallier cette promesse de pénurie annoncée.

Evidemment plusieurs pistes sont envisagées et sont sur la table, que ce soit à l’échelle de la Bretagne Romantique, ou plus largement au niveau du département, de la Région et même du bassin versant Loire-Bretagne… L’alerte est donnée à tous les étages.

L’an dernier, la Bretagne Romantique a publié après plusieurs années de travail, un plan Climat Air Energie (PCAET). Si ce dernier ne concerne pas directement la tension sur la ressource «  eau  », il évoque néanmoins cet aspect et dessine plusieurs pistes, sans préjuger à ce stade de leur état d’avancement  :

  • Curer les fonds des barrages afin d’enlever les dépôts de sédiments et fournir plus de place à l’eau (concerne les bassins côtiers de Dol de Bretagne)  ;
  • Effectuer des prélèvements sur les cours d’eau l’hiver lorsque ceux-ci coulent en abondance, pour favoriser la recharge des nappes  ;
  • Lancer un suivi d’évaluation des masses d’eau souterraines pour anticiper leur gestion  ;
  • Rénover les installations de production et de distribution pour limiter les fuites et les pertes d’eau potable durant leur acheminement à nos robinets  ;
  • Construire de nouveaux forages, une fois découverts de nouveaux captages  ;
  •  Projet AVA (Aqueduc Vilaine Atlantique)  : il s’agit de construire un aqueduc de 90  km qui relie l’embouchure de la Vilaine (avant qu’elle ne se jette à l’Océan) à l’usine de potabilisation de Rennes qui répartirait la ressource en fonction des besoins sur le département  ;
  •  Abandonner certaines zones de drainage et de puits pour atténuer l’impact de l’exploitation des eaux souterraines et du changement climatique.
Le projet AVA de sécurisation de l’eau potable

Aucune des solutions évoquées ci-dessus ne peut apporter une réponse suffisante en quantité et en temporalité face à l’urgence. Sans compter qu’il faut aussi évaluer les conséquences environnementales de chacune de ces solutions de manière à s’assurer qu’elles ne déplacent pas le problème ailleurs, comme nous l’avons déjà tant fait par le passé avec nos «  trouvailles technologiques  ».

Les pistes à court terme

Ainsi, pour faire en sorte que jamais ce scénario noir du robinet qui ne coule plus en Bretagne Romantique ne devienne réalité, il semble que nous ne pourrons pas faire l’impasse de solliciter nos usages et de les modifier en profondeur. Faudra t’il réhabiliter les porteurs d’eau  ? Recenser tous les puits domestiques et les restaurer  ? Réhabiliter les lavoirs et retrouver des usages plus collectifs de l’eau courante  ? Si tout cela pouvait encore faire sourire, il y a peu, ce sont pourtant autant de pistes à étudier.

Une première mesure, aux effets rapides à court-moyen terme, serait de généraliser les systèmes de récupérations des eaux de pluies toute l’année dans nos maisons pour arroser les jardins, éventuellement y raccorder nos sanitaires diminuant de manière très substantielle nos prélèvements sur la ressource d’eau potable disponible. Pour accélérer le mouvement on pourrait imaginer la mise en place d’incitations attractives, tant les effets seraient bénéfiques pour toute la communauté (entre 1  000 à 2  000 litres d’arrosage à l’heure dans les jardins, et 6 à 12 litres d’eau à chaque usage des toilettes).

Nous pourrions aussi, dans la mesure du possible, utiliser en mixité dans un premier temps des toilettes sèches dans nos jardins, très facile à construire, sans faire l’impasse sur le confort qu’implique ces moments importants dans une vie et épargner ainsi les 6 à 12 litres d’eau à chaque usage  : à l’échelle d’une famille de 4 personnes et par jour, cela n’est pas négligeable. La matière organique collectée est de plus excellente pour ensuite fertiliser les sols de nos jardins et de nos potagers (avec sans doute un petit électrochoc culturel à acquérir pour trouver cela acceptable psychologiquement).

Et bien sûr, la page Facebook de la Communauté de Communes, les spots publicitaires, les communiqués des communes, les communications pédagogiques des différents interlocuteurs nous le rappellent constamment, il faut rester vigilant sur l’ensemble de nos pratiques quotidiennes, dès que l’on ouvre le robinet. Reprendre conscience que ce qui sort de ces robinets quel que soit l’usage est précieux  : ce n’est plus une option et il faut faire l’effort de se le rappeler à chaque fois.

D’une manière plus large, il parait difficile de faire l’impasse sur le fait d’interroger collectivement la nécessité de la potabilité de l’eau en fonction de nos usages et de ne réserver cette eau potable qu’aux usages où elle est indispensable, et trouver d’autres solutions pour les autres usages (toilettes, lessive, arrosage des jardins, nettoyage des voitures, usage industriel, usage agricole pour n’en citer que quelques-uns…). Il faudrait pour cela, très probablement que le législateur modifie rapidement les normes qui encadrent ces différents usages  ; à moins que ce soit les usages qui s’adaptent avant cette promesse de pénurie et forcent le législateur à suivre  : ce ne serait pas la première fois…

Cela est vital, car outre la pénurie sur la ressource, il y a un autre piège à éviter à tout prix et dont notre époque est friande : celui de désigner le coupable idéal. C’est toujours le voisin aux pratiques déraisonnables, l’agriculteur, le propriétaire d’un bassin ou d’une piscine, le terrain de golf, celui qui prend 3 douches par jour, qui arrose son potager…

La plupart d’entre nous, hier encore étions dans une société d’abondance ou les injonctions du monde visaient à faire de nous des consommateurs «  zélés  » au service de la croissance et de la bonne santé de nos économies. Cela ne fait que quelques mois que ces injonctions sont remplacées par des appels à la sobriété dans tous les domaines  : eau, énergie, déplacements, santé, alimentation… Il y a urgence certes, mais personne n’est coupable  : pas encore du moins  ; dès lors que chacun, individuellement et collectivement, participe à réinterroger ses pratiques, réajuste ses projets et fait un petit pas de côté, pour réaliser qu’au-delà de nos intérêts particuliers, les enjeux sont ceux d’une communauté et d’un bien vivre ensemble. Dans un écosystème équilibré, chaque personne, chaque entreprise, chaque collectivité à un rôle à jouer et doit désormais mesurer les conséquences de ses choix et de ses décisions sur la ressource et le bien être des autres au temps présent comme aux temps futures.

Corto Fajal/ 09-2022

Sources et Liens utiles  :

– Système d’information pour la gestion des eaux souterraines en Bretagne  :
https://sigesbre.brgm.fr

– Schéma départemental eau potable  :
https://eau35.fr

– Rapport annuel du SPIR ( 2018-2019)

– Le centre d’information sur l’eau
https://www.cieau.com

– Le magazine communautaire de la Bretagne Romantique (août 2022 /sept 2022)

– Ouest France ( article du 18/08/2022-04/12/2017-01/12/2021-13/06/2016)

– France info bretagne (27/09/2022)

– Plan Climat Air Energie Bretagne Romantique 2021-2026

– Schéma de Cohérence Territorial du Pays de Saint Malo: Rapport de présentation

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