Les étangs du Canal d’Ille-et-Rance : un site classé Natura 2000

Le réseau Natura 2000 est un ensemble de sites naturels européens identifiés pour la rareté ou la fragilité des espèces sauvages (animales ou végétales) et de leurs habitats naturels. Son objectif est la prise en compte des enjeux de protection des habitats et des espèces dans les activités humaines.
En 2022, le réseau Natura 2000 fête ses 30 ans. Mis en place en 1992, il existe désormais près de 28 000 sites dans l’Union Européenne, soit environ 18% des terres et 9% des eaux de L’Union Européenne. C’est donc aujourd’hui le plus grand réseau mondial, à l’échelle d’un continent, d’espaces naturels protégés. Le réseau Natura 2000 en France, c’est 1750 sites correspondant à 13% du territoire terrestre métropolitain soit 7 millions d’hectares et 35,7% de la surface marine de la zone économique exclusive, soit environ 13 millions d’hectares.

D’où vient Natura 2000 ?

Tout commence au Sommet de La Terre à Rio en 1992, conférence rassemblant des dirigeants mondiaux et organisée par l’ONU. Il avait pour but de définir les grands enjeux du développement durable en prenant en compte les enjeux sociaux, économiques et environnementaux qui sont interdépendants et évoluent ensemble. C’est suite à ce Sommet, que l’Union Européennes a fait naître Natura 2000.

Le réseau Natura 2000 est fondé sur 2 directives européennes :
– La directive “Oiseaux” de 1979 qui a pour but la protection des espèces d’oiseaux d’intérêt communautaire (rares ou menacées à l’échelle de l’Europe) et de leurs habitats.
– La directive “Habitats-Faune-Flore” de 1992 qui a pour but la conservation des habitats naturels, de la faune et de la flore d’intérêt communautaire.

Ces deux directives ont créé respectivement les Zones de Protection Spéciale (directive Oiseaux) et les Zones Spéciales de Conservation (directive Habitats, Faune et Flore) formant le réseau Natura 2000. Les ZPS et ZSC, sont constituées grâce aux habitats et aux espèces dit « d’intérêt communautaire”. Les espèces et habitats d’intérêt communautaire sont ainsi nommés selon leur vulnérabilité, leur rareté et leur aire de répartition.

Mais alors, comment ça marche ?

Chaque site Natura 2000 est tout d’abord encadré par un comité de pilotage regroupant des acteurs locaux (élus, experts, propriétaires terriens, chasseurs, etc…) pour comprendre les enjeux du dispositif et les appliquer dans la gestion et la mise en place d’action sur un site.
La gestion des sites Natura 2000 est dite contractuelle, cette décision permet donc que les sites soient gérés par une gouvernance locale, sous forme de contrat avec les acteurs du territoire en question. Ainsi, sur un site Natura 2000, les propriétaires et exploitants agricoles peuvent adhérer à la démarche sur la base du volontariat.

Une seule réglementation associée à Natura 2000 : l’évaluation des incidences

L’évaluation des incidences vise à concilier les activités existantes et la préservation des espaces naturels en réduisant l’impact que peuvent avoir ces projets sur les milieux et les espèces. Les projets ou activités devant faire l’objet d’une évaluation des incidences sont ceux déjà soumis à réglementation (urbanisme, environnement, …) et ceux relevant du régime d’autorisation propre à Natura 2000 (retournement de prairie, destruction de haies, etc.)

D’autres moyens de protections existent

Il faut savoir qu’il y a d’autres types de sites protégés aujourd’hui en France, comme les Espaces Naturels Sensibles, les parcs naturels, les réserves naturelles, et j’en passe… Toutes ces protections ont des stratégies de protection différentes, certaines contractuelles, d’autres réglementaires ou foncières, etc…

Le site Natura 2000 des étangs du canal d’Ille-et-Rance

Le saviez-vous ? Un site Natura 2000 a été désigné en 2007, pour préserver les étangs du canal d’Ille-et-Rance. Ce site, initialement d’une surface de 246 ha s’étend pour une grande partie sur la Bretagne Romantique ! Depuis le 11/03/2022, cette zone a officiellement été étendue, passant à une superficie de 2747 ha, soit environ 11 fois plus grand ! Rien que ça ! Le site est situé à cheval sur 3 communautés de communes concentrées sur les communes de Dingé, Feins, Guipel, Hédé-Bazouges, Marcillé-Raoul, Montreuil-sur-Ille, Québriac, Saint-Symphorien, Tinténiac et Vignoc. Cette agrandissement du site est le fruit de plusieurs années de concertation du comité de pilotage et des habitants du territoire réalisé par le Département d’Ille-et-Vilaine, animateur Natura 2000.

Pourquoi ce site est-il classé Natura 2000 ?

En 2007, le site était réparti sur 4 étangs, l’étang du Boulet, l’étang de Hédé, l’étang de Bazouge et l’étang de la Bézardière. Ces 4 étangs participent à alimenter en eau le canal d’Ille et Rance, d’où le nom de ce site. Un cinquième étang alimente le canal, l’étang d’Ouée, situé sur la commune de Gosné. Celui-ci fait partie d’un autre site Natura 2000, c’est le “Complexe forestier Rennes-Liffré-Chevré, Étang et lande d’Ouée, forêt de Haute Sève”.

Le site des étangs du canal d’Ille-et-Rance a été inscrit au réseau Natura 2000 car il accueille une richesse biologique exceptionnelle. En effet, du fait de l’alimentation en eau pour le canal, on observe une variation des niveaux d’eau selon les saisons, ce qui permet l’apparition de végétation amphibie. Ces végétations sont rares à l’échelle européenne et peuvent abriter des espèces protégées au niveau national, comme la littorelle (Littorella uniflora) ou encore des espèces d’intérêt communautaire, comme le Coléanthe Délicat (Coleanthus subtilis), petite graminée vivant sur les bordures des étangs.

Triton marbréLa répartition du Coléanthe en France métropolitaine est exclusivement concentrée en Bretagne et plus particulièrement dans les Côtes d’Armor et en Ille-et-Vilaine, c’est-à-dire chez nous ! C’est une espèce considérée comme quasi-menacée en Bretagne, sur la liste rouge des espèces menacées.

Les habitats naturels rejoignant les quatre étangs d’alimentation du canal d’Ille-et-Rance sont d’une grande richesse, du fait notamment de la forte présence d’habitats humides ( prairies, landes humides, tourbières, boisements…etc). Le paysage humide et bocager encore bien préservé sur le secteur est propice au maintien de populations d’espèces d’intérêt communautaire comme les tritons. L’importante diversité en chauves-souris renforce également l’intérêt biologique de ce territoire.

Prenons l’exemple du Triton marbré (Triturus marmoratus), cet amphibien utilise les mares au printemps pour se reproduire puis part s’abriter en automne et en hiver dans les boisements ou dans les vieux tas de bois. Lorsqu’un triton effectue cette migration au printemps ou en automne, il se déplace en suivant les haies ou les prairies. Il peut alors se retrouver bloqué à cause d’une route. On parle alors de rupture de continuité écologique. On appelle « continuité écologique » ces chemins permettant à des espèces de se déplacer ou de migrer d’un endroit à un autre, c’est dans ce sens qu’est venu l’utilité de protéger ces continuités et de les intégrer au site Natura 2000 des étangs du canal d’Ille-et-Rance.

Quelles sont les espèces et habitats d’intérêt communautaire sur le territoire ?

Le site des étangs du canal d’Ille-et-Rance a été désigné au titre de la directive “Habitat-Faune-Flore”. Le Coléanthe délicat et le triton crêté en font partie, mais ils sont loin d’être les seuls.

Parmi les espèces animales d’intérêt communautaire (rare à l’échelle européenne), on peut citer 5 espèces de chiroptères (ou chauve-souris) comme le Grand Murin (Myotis Myotis) ou le Petit Rhinolophe (Rhinolophus Hipposideros) par exemple. On retrouve aussi une espèce de libellule (l’agrion de Mercure), et une espèce de coléoptère (le lucane cerf-volant). Au niveau floristique cette fois, 2 espèces sont d’intérêt communautaire, le coléanthe délicat et le Flûteau Nageant (Luronium Natans). Enfin, on compte environ 8 habitats naturels d’intérêts communautaires. Ce sont par exemple des landes, des tourbières, des prairies, et des végétations à hautes herbes (mégaphorbiaies).

Pour protéger ces espèces et ces milieux, des dispositifs d’aides financières à destination des propriétaires et exploitants agricoles existent, tels que les contrats Natura 2000 ou les mesures agro-environnementales. Pour plus d’informations, Armelle ANDRIEU, animatrice Natura 2000 au Département d’Ille-et-Vilaine, se tient à disposition des élus, propriétaires et usagers du site pour apporter les informations nécessaires à la bonne prise en compte des enjeux du site Natura 2000.

Ce ne sont pas les seuls…

Attention, ces espèces et habitats ne sont pas les seuls à être présents ni les seuls protégés, ils suivent la réglementation européenne de la directive “Habitats-Faune-Flore” donc sont d’intérêt à l’échelle européenne, autrement dit c’est pour eux que le site Natura 2000 a été créé. D’autres habitats ou espèces sont dit “d’intérêt patrimonial » qui se retrouvent à une échelle plus réduite, régionale par exemple. Sur le site, on recense beaucoup plus de ces espèces ou habitats que ceux d’intérêt communautaire.

Aussi, ces étangs ont un intérêt au-delà de la directive qu’elle suit, pour certaines espèces d’oiseaux. Ils accueillent beaucoup d’oiseaux migrateurs qui s’y installent pour se nourrir ou se reposer avant de continuer leur route… Enfin, ces protections mises en place sur site profitent à toutes les espèces et habitats de nos campagnes qui y résident ou qui sont de passage. Ces protections participent en effet à la préservation de la qualité des différents milieux. Et tout ceci, pour le plus grand plaisir des habitants du territoire qui en profitent. C’est notamment l’un des objectifs de Bien Vivre en Bretagne Romantique (BVBR), avec le projet de la Grande Traversée de Bretagne Romantique (GTBR) qui met en valeur la qualité et la diversité de notre patrimoine naturel. Vous savez, celle que nous sommes si heureux de retrouver lors de nos randonnées !

La GTBR passe en plein cœur de la zone natura 2000, et c’est une chance extraordinaire que d’avoir sur notre territoire, un instrument comme ce programme qui permette à chacun d’être acteur de la qualité de nos paysages et de nos milieux. C’est d’ailleurs grâce à cette traversée, qu’est venue l’envie de faire découvrir ce site à travers ce dossier…

Si l’un des sujets évoqués vous intéresse, je vous indique ci-dessous les sites qui m’ont permis d’élaborer cet article mais aussi d’autres sites qui sont d’après moi intéressants à découvrir.

Écrit par Noah HUBERT, apprenti en BTS Gestion Protection de la Nature à l’association Bien Vivre en Bretagne Romantique, avec l’aide d’Armelle ANDRIEU, Animatrice Natura 2000 du site, que Noah ne manque pas de remercier.