Les valeurs des Fruits des Bois

Amélie et Clément nous reçoivent au Quiou, sur leur exploitation située aux Bois.
En 2021 on a repris en GAEC « Les fruits des Bois », la ferme de Loïc et Martial qu’ils avaient créée en 2000, déjà en bio. J’avais suivi une formation pour adultes en arboriculture. Et j’avais été associée dans une ferme en Auvergne pendant plusieurs années. On produisait déjà différents fruits à pépins ou à noyaux. Avec Clément nous avons repris le verger de 4 hectares à peu près comme il était. On a peu changé les pratiques. On a maintenant passé la période difficile des trois premières années.

Vous avez récemment agrandi ? On voit de jeunes arbres en arrivant…
Oui, on a récemment pu s’agrandir d’environ un hectare qu’on a planté en pommiers, poiriers et kiwis. On voudrait se diversifier davantage parce qu’actuellement les pommes représentent 98 % de notre production. Et cet hiver on va arracher presqu’autant qu’on a planté car il faut renouveler régulièrement les vergers afin de maintenir la qualité des fruits (calibre, coloration…) sans travail supplémentaire.

Quelles variétés de pommes produisez-vous ?
On produit surtout des variétés récentes, créées il y a seulement trente ou quarante ans, voire moins : Dalinette, Topaze, Santana… On cultive aussi marginalement quelques variétés anciennes (Reinette d’Armorique, Patte de loup, Cox orange…) mais elles sont peu productives. Il faudrait donc les vendre à 6 ou 7€ le kilo, trop cher pour le consommateur. Dans les années à venir on va essayer de nouvelles variétés et regarder comment elles se comportent sur nos sols, sous notre climat.

Dans mon jardin, les pommes sont de tailles très variables, souvent biscornues, parfois abîmées… Comment faites-vous pour avoir de si belles pommes ?
C’est un métier ! On a un gros travail en juin-juillet : l’éclaircissage. On enlève des pommes afin d’alléger la charge de l’arbre pour qu’il puisse faire bien grossir tous ses fruits. On en profite évidemment pour enlever toutes celles qui sont abîmées, cabossées, déformées… On a aussi des moyens de lutte contre quelques insectes qui créent les trous dans les pommes. Car ce sont les cicatrices qui vont plus tard déformer le fruit. En diminuant les pressions parasitaires on parvient à obtenir de beaux fruits, bien lisses.

A la récolte, en septembre-octobre, on fait encore du tri. Une partie est déclassée pour être transformée en jus. Les pommes sont stockées dans nos frigos. Ensuite, tout au long de l’hiver, au moment de la mise en cageots, on refait du tri. Les pommes déclassées (tachées..) seront vendues moins de 2€ le kilo ce qui les rend moins chères que la plupart des pommes conventionnelles vendues dans la grande distribution. Elles sont donc accessibles à tout le monde ; c’est ce qu’on souhaite.

Et après ? Quand tout est vendu vous partez en vacances ?
Ah, ah ! Le pomiculteur travaille toute l’année ! En hiver on taille. Dès le début de la floraison, on démarre les traitements au cuivre et au soufre contre les champignons, la tavelure, l’oïdium… Ensuite on passe le tracteur pour désherber au pied des arbres et on tond. On arrive à l’éclaircissage au début de l’été. Et alors, enfin, on peut se permettre de prendre quelques semaines de vacances.

Où trouve-t-on vos pommes ?
On en vend d’abord ici, tous les jours, en semaine. Environ 20 % de notre production. On en livre également environ 20 % pour la restauration collective : crèches, écoles… Il faut bien sûr que la cantine soit en capacité de travailler ces pommes, par exemple pour faire une compote. Sinon elle se contentera d’ouvrir une boite de conserve. Le reste de notre production est vendu pour l’essentiel dans les magasins bio de la région.

C’est une contrainte d’ouvrir tous les jours et de se rendre disponible…
Non, ce n’est pas une contrainte : c’est un choix. Pour nous, c’est important que les gens ne soient pas déconnectés de la façon dont est produite leur alimentation. Donc c’est logique d’ouvrir notre ferme. De plus c’est économiquement nécessaire puisque cela limite nos coûts de livraison et de distribution.

On aperçoit des nichoirs au milieu des pommiers…
La préservation, ou plutôt la restauration de la biodiversité est une de nos valeurs. On a entrepris plusieurs actions pour la favoriser. Donc, on installe des nichoirs à oiseaux, à chauves-souris ainsi qu’à d’autres mammifères. L’objectif, c’est d’avoir plus de mammifères, plus d’oiseaux, plus d’insectes… plus de tout ! On installe par exemple des nichoirs à moineaux. Le moineau, a priori, a peu d’impact positif à lui seul dans le verger. Mais il est en déclin partout en Europe. Donc on s’efforce de le faire venir ici.

Vous recevez des aides ?
On a bénéficié d’une aide à l’installation. Et on perçoit des subventions mais elles sont de fait proportionnellement moins importantes qu’un agriculteur en conventionnel. C’est un choix politique national historique. Et ça ne s’améliore pas en ce moment. Par exemple l’agence bio a failli être supprimée par le Sénat cette année.

C’est décourageant ?
Non, ce n’est pas décourageant parce qu’on y croit. On est la seule agriculture qui permet de répondre aux enjeux de demain : la préservation de l’eau, de la santé humaine et de la biodiversité. Et on a aussi des exigences sociales plus fortes. Il faut donc continuer d’avancer sur ce chemin.

Avant de se quitter, une dernière question : est-ce que vous constatez déjà les effets du réchauffement climatique sur votre production ?
On a bien ressenti notre premier coup de chaud de 2022, inhabituel pour la Bretagne. Lors de ces périodes, les pommiers souffrent. Néanmoins on sait comment en limiter l’impact et lisser l’excédent de chaleur. Le plus difficile, c’est plutôt d’arriver à se projeter pour établir notre plan de plantation. Il faut quatre ans avant qu’un arbre donne et il faut le réserver chez le pépiniériste deux ans avant. Donc on est sur un horizon de réflexion à six ans. Quel sera le climat dans six ans ? On n’en sait rien. On a planté quelques kakis et quelques amandiers. Pour s’amuser mais aussi pour tester…

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